Un enfant sur dix a fait l’objet d’un signalement. Vraiment ?

Un enfant sur dix au Québec aurait fait l’objet d’un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) cette dernière année pour différents motifs, plus particulièrement en négligence. Cette donnée récente apparue dans l’actualité est soit une exagération statistique, soit la triste réalité de notre société qui abandonne ses enfants.

L’effet immédiat est l’engorgement encore plus important des ressources et des services de la protection de la jeunesse. L’autre effet, plus complexe encore, c’est le « vivre cette incapacité » et le sentiment d’impuissance chez les intervenants qui ne peuvent pas y arriver. J’ai même l’impression que ces sentiments sont partagés par des décideurs qui voudraient eux aussi mieux faire.

Certains voient dans ce chiffre effarant une mobilisation de la population pour protéger les enfants. Mais, à mon sens, il s’agit plutôt d’une forme de « pas dans ma cour », ou de « pelletage chez le voisin » ou chez l’État chargé de la protection des enfants vulnérables ou victimes.

Chaque année, depuis toujours, les statistiques démontrent que le système ne fonctionne plus et que, parallèlement, les problèmes vécus partout dans le monde semblent avoir des impacts négatifs sur les communautés et les familles. Le niveau de stress augmente sans cesse, l’environnement nous menace de plus en plus et les conditions économiques deviennent de plus en plus précaires. Élever un enfant dans ces conditions amène son lot de contraintes et une perte de capacités en lien direct avec les problèmes de développement et la protection des enfants.

Un devoir

On ne doit pas chercher des coupables, car nous le sommes tous un peu. Ce n’est pas la bonne voie à prendre. On ne peut pas non plus se faire croire qu’en faisant un signalement à la DPJ, on a fait notre devoir. Notre devoir commence par un signalement justifié qui se poursuit par la prise de conscience d’un monde malade qu’il faut soigner. Il s’ensuit une plus grande attention de notre part aux enfants et aux familles de notre entourage et la mise en place d’un filet de sécurité et de services de proximité dans les communautés, en amont même du signalement, qui pourrait ne plus être nécessaire.

À titre d’exemple prometteur, un projet en cours d’expérimentation avec le gouvernement qui consiste à mettre en place des travailleurs de proximité en lien avec les familles et les services déjà en place dans la communauté. Il y a aussi plusieurs autres initiatives dans les milieux qui mériteraient d’être connues. Dans les circonstances, la mobilisation des citoyens et des communautés est plus que jamais nécessaire. La DPJ seule n’y arrivera pas.

On peut, par ailleurs, se questionner sur les valeurs de nos sociétés et la place des enfants dans ces mondes qui tolèrent, ou parfois même encouragent, le non-respect de leurs droits. On peut penser aux enfants soldats, aux enfants noyés en Méditerranée ou encore aux enfants esclaves. On peut certainement aussi nous regarder dans un miroir et constater notre piètre performance, au Canada, par rapport au respect de la Convention relative aux droits de l’enfant, dûment signée par notre pays.

Ensemble, on pourrait y arriver, mais seulement avec une mobilisation plus concrète et plus constante de gens comme vous et moi. Quand on constate notre façon de traiter les pauvres, les victimes et les enfants, on n’a pas de quoi être très fiers. Nous devons être fiers de nos enfants et cléments avec les familles qui vivent de grandes iniquités sociales, et qui ne demandent qu’à mieux faire la plupart du temps.

DGilles Julien
Fondateur, pédiatre social
Porte-parole et vice-président du conseil d’administration
Fondation Dr Julien

Dr Gilles Julien

À Propos de la pédiatrie sociale

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