Élever les voix des jeunes autochtones

Trop souvent, les voix des enfants sont effacées des discours qui les concernent : leurs opinions sont minimisées, voire mises de côté. Et lorsqu’il est question d’enjeux touchant spécifiquement les enfants des communautés autochtones, il devient impératif de les écouter pour mieux comprendre leurs besoins.

Motivés par le désir de partager leurs réalités, des jeunes atikamekws du centre de pédiatrie sociale en communauté Mihawoso de Manawan se réapproprient le plus puissant des outils : leurs droits.

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Pour Josiane Robertson, il n’y a pas de petites victoires. Toutes méritent d’être célébrées :

« C’est très peu, mais pour moi, quand je vois un jeune faire des dribbles devant le panier de basket de l’école secondaire, on est gagnant », explique la directrice générale du centre de pédiatrie sociale en communauté Mihawoso (CPSC).

Nous sommes dans la communauté atikamekw de Manawan, située dans Lanaudière. Niché en son sein, le CPSC bat au rythme de ses activités : en plus des soins de santé et services sociaux, des ateliers de couture et de perlage, pêche sur glace et art-thérapie sont offerts sur place. Dans cet espace sécurisant où règne la confiance, les familles sont accueillies dans leur langue, par des membres de leur communauté.

Mihawoso, ou prendre soin

Plusieurs cultures et croyances autochtones ont à cœur le bien-être des enfants au sein de la communauté. Le centre porte d’ailleurs bien son nom, puisque mihawoso signifie prendre soin en atikamekw. Une mission bien ancrée dans la philosophie et dans les valeurs véhiculées par l’équipe du CPSC. « Je savais que la pédiatrie sociale représentait un besoin pour la communauté de Manawan, pour accompagner les familles et les enfants… C’est magique ce qu’on est capable d’accomplir quand on se serre les coudes. C’est un projet en lequel je croyais dès le départ, et j’y crois de plus en plus », nous raconte Josiane avec émotion.

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Un face à face, deux réalités

Et de belles réussites, le centre de pédiatrie sociale en communauté de Mihawoso en a vécu au courant des derniers mois. Car suite aux retrouvailles du réseau des centres de pédiatrie sociale en communauté, les jeunes de Manawan se sont vu proposer un projet hors du commun : préparer une présentation pour des étudiantes et étudiants en droit de l’Université de Montréal. L’objectif ? Sensibiliser la cohorte au fait que les droits des enfants vulnérables, et tout particulièrement des enfants issus de communautés autochtones, sont trop souvent bafoués.

Un projet riche de sens pour Josiane, qui est directement témoin des réalités vécues par sa communauté. « Sensibiliser la jeunesse autochtone par rapport à leurs droits, c’est nécessaire. On parle de jeunes qui habitent dans des logements surpeuplés et parfois insalubres. Ils ne sont pas nécessairement conscients que ça ne respecte pas leurs droits. Pour nos jeunes, les gens de Montréal sont riches. Parce qu’il y a de beaux terrains, de belles maisons… » nous explique-t-elle.

Car c’est un fait : les enjeux sont plus grands pour les communautés autochtones. Mais la joie et l’adversité peuvent cohabiter. Au fil des séances, les responsables du projet ont remarqué une évolution incroyable : l’assurance du groupe prenait son envol.

« Ce sont des jeunes qui sont normalement plus timides, mais on a vu qu’ils ont pris conscience de leurs droits : eux aussi, ils ont le droit de vivre dans un endroit sain, d’être encadrés à l’école, d’avoir accès à des lieux pour s’épanouir. Et que dire de leur présentation ! On n’était pas dans l’analyse de leur performance : les jeunes étaient fiers d’avoir donné leur conférence, d’avoir accompli leur mandat. Ça leur a donné confiance » assure Josiane, tout sourire en repensant à cette expérience marquante pour les jeunes.

Faire valoir ses droits auprès du conseil

Rassemblée autour d’un souper cérémonial, le CPSC Mihawoso tenait à souligner l’importante initiative entreprise par le groupe. Ainsi soutenus de leurs familles et des aînés de Manawan, nous ne pouvons qu’imaginer la joie qu’on ressentit les enfants. L’image est forte : toutes les personnes qui leur sont chères, réunies sous un même toit, afin de proclamer haut et fort leur fierté de voir la relève engagée et prête à protéger les valeurs inculquées par le riche patrimoine culturel atikamekw.

Devant toute cette reconnaissance, la directrice générale du CPSC n’a pas caché sa joie : « on leur a remis un certificat et une lettre de l’Université pour les remercier. Le chef de notre communauté les a félicités. Il leur a même dit : ‘’Maintenant que vous connaissez vos droits, vous êtes autorisés à les faire valoir auprès du conseil’’ ».

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Le droit de s’instruire, de s’amuser et s’ouvrir sur le monde

À la Fondation Dr Julien, nous croyons fondamentalement en la force intrinsèque des enfants : la grande résilience dont font preuve les jeunes de Manawan au quotidien en est un exemple. Le manque d’infrastructures sécuritaires où s’amuser et s’épanouir en toute quiétude se fait sentir. Malgré ces embûches, les enfants parviennent à revendiquer leur droit au plaisir. Avec un brin d’imagination, les terrains de jeux se révèlent partout autour d’eux.

Heureusement pour la communauté, Josiane nous confie que l’avenir s’annonce rempli d’espoir. « Notre CPSC est impliqué dans le projet de mise en place d’une Maison des jeunes, et on a décidé de consulter les enfants pour avoir leurs idées : il faut que ça réponde à leurs besoins. Nos jeunes ont le droit d’avoir un lieu qui leur appartienne, on mise énormément là-dessus. Leurs voix doivent être entendues ».

Grandir entouré du soutien de sa communauté

Offrir aux familles de Manawan un refuge où elles se sentent valorisées, respectées et écoutées, un espace qui protège leurs sagesses ancestrales : voilà une mission réussie pour le centre de pédiatrie sociale en communauté Mihawoso.

Nous sentons que le désir profond de préserver l’héritage atikamekw guide les actions de l’équipe du centre de Manawan. « De voir qu’on répand du bien, que ça fait une différence chez les jeunes, c’est tout pour nous. Les jeunes ont plein de rêves, et ils sont bons pour les exprimer. Il faut être à leur écoute, c’est la différence qu’on peut faire dans leur vie. Je rêve que ces jeunes se développent à leur plein potentiel, peu importe les enjeux qu’ils encourent », conclut Josiane, fière de sa communauté, de ses traditions, de sa richesse culturelle.

Les défis demeurent grands, mais nous sommes émus de constater à quel point les jeunes de la communauté sont des actrices et acteurs de changement pour les générations de demain. Cette réalité réitère le rôle crucial que la jeunesse autochtone doit jouer dans les prises de décisions la concernant. À travers les mots de Josiane, nous avons fait la rencontre d’une relève dévouée, qui a le courage de s’exprimer et qui ne demande qu’à reprendre la place qui lui appartient. Assurer le respect de cette volonté représente un premier pas vers une société plus juste et inclusive, imprégnée des valeurs qui nous animent. Se soutenir les uns des autres pour mieux avancer, tel est le flambeau porté par ces jeunes.

Merci à Alain Roy, Professeur titulaire de la Faculté de droit à l’Université de Montréal d’avoir permis aux jeunes du CPSC Mihawoso de faire ce projet. Impossible de passer par Montréal sans prendre le temps de s’arrêter voir une partie de hockey ! Une récompense bien méritée pour le groupe, qui a mis beaucoup de temps et d’énergie à préparer leur présentation sur le droit des enfants. Merci à Banque Nationale d’avoir offert cette expérience aux jeunes !

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