L’école comme service essentiel pour les enfants

Un service essentiel en éducation, voilà l’objet de ce texte écrit en pleine grève des enseignantes, à la veille des fêtes d’un Nouvel An. Il s’agit d’une question de droits des enfants — l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant, stipule que les « États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation et, en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances » —, de dignité humaine tout autant que d’équité sociale. Ce devrait obligatoirement être une question de valeur fondamentale pour une société qui se cherche et qui a perdu déjà certains de ses repères fondamentaux.

Les services essentiels en santé et services sociaux au Québec sont définis comme « ceux dont l’interruption peut mettre en danger la santé et la sécurité publique [de l’enfant ?] et ils doivent être maintenus par les parties ».

Les services essentiels en éducation des enfants et des jeunes ne sont pas clairement définis par ailleurs. Selon le Tribunal administratif du travail, « dans le secteur de l’éducation, il n’y a aucune obligation quant au maintien des services essentiels en cas de grève et il en est de même pour les entreprises de transport scolaire ».

Or on connaît bien les effets d’une rupture de services éducatifs pour les enfants, et particulièrement pour les enfants avec des problèmes spéciaux, comme les troubles de développement, les troubles d’apprentissage et les difficultés psycho-émotives de différentes natures.

Les retards ne font qu’empirer, les troubles se complexifier et l’anxiété devenir chronique et toxique.

On l’a vécu en période de pandémie et peu de temps après, on le vit encore en période de grève, comme un rappel de l’insouciance des décideurs. Les retards s’accumulent à plusieurs niveaux, les difficultés scolaires se complexifient, les décrochages se multiplient, les vulnérabilités augmentent et les services de soins et de réadaptation continuent de s’appauvrir et de manquer à l’appel.

Je me permets de citer une opinion de l’Association des pédiatres en janvier 2022 selon laquelle il est maintenant capital de considérer la fréquentation scolaire continue ainsi que l’ensemble de ses attributs comme un service essentiel et une valeur fondamentale qui construit le bien public.

Deux ans plus tard, on en est encore à panser les plaies causées par la non-scolarisation en période de pandémie et à chercher des moyens pour combler les besoins des enfants dans le respect de leurs droits. On se retrouve encore au même point avec des enfants perdants et démotivés.

La grève des enseignants, bien justifiée par ailleurs, devrait servir à nous ouvrir les yeux de ce qui se passe dans notre cour par rapport aux carences et aux souffrances des enfants. Un grand nombre d’entre eux se trouvent dans le flou total sur leur avenir, dans la perte de repères essentiels pour leur bien-être et dans une sorte d’insécurité bien peu productive.

Certains m’ont dit leur peine de ne plus voir leurs enseignantes, peut-être même jusqu’après les Fêtes, d’autres pensent déjà que leur année devra être reprise et certains pensent à abandonner faute de motivation et par dépit. Les traces laissées par ce genre de stress d’abandon peuvent nuire beaucoup sur le moment, mais aussi à plus long terme. On ne veut pas de vie gâchée pour nos enfants. L’école comme service essentiel, pensons-y bien dans l’avenir.

DGilles Julien
Fondateur, pédiatre social
Porte-parole et vice-président du conseil d’administration
Fondation Dr Julien

Dr Gilles Julien

À Propos de la pédiatrie sociale

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