Vers un Québec digne de ses enfants

Les enfants sont des êtres précieux qui suscitent l’amour et qui profitent de multiples occasions pour s’épanouir, et ce, quel que soit leur milieu de vie. Le rapport Laurent souffle un vent d’espoir pour qu’ils puissent tous « grandir en paix », comme nous ont déjà lancé des jumeaux du haut de leurs 7 ans, alors que je leur demandais de nommer leurs droits, dans le cadre de ma pratique qui intègre le droit à la pédiatrie sociale en communauté.

Les recommandations sous-tendent une société bienveillante et ouvrent la voie pour que les droits des enfants soient respectés une fois pour toutes. On souhaite coordonner les efforts pour développer un Québec digne de ses enfants — cela me rappelle, du moins dans sa philosophie, la publication Un Canada digne des enfants parue il y a 17 ans.

On sent, dans le rapport Laurent, une volonté claire de changer les choses en profondeur. On y retrouve plusieurs recommandations semblables à celles que nous avons proposées dans notre mémoire, mais les solutions pratiques diffèrent. Par exemple, on mettait de l’avant la mise en place d’un bureau du défenseur des droits de l’enfant élu par les enfants, comme on le fait en Grande-Bretagne. Cette personne devait avoir des dents pour agir dans tous les domaines des droits de l’enfant et non se limiter à faire des recommandations.

Une charte des droits de l’enfant est aussi recommandée, mais nous avons déjà la Convention relative aux droits de l’enfant. Le gouvernement devrait l’intégrer en bloc dans notre droit interne, ou du moins dans ses principes directeurs, à l’instar de la loi Oranga Tamariki 1989 de la Nouvelle-Zélande récemment modifiée.

La recommandation de rehausser la trajectoire de services en prévention est également une très belle avenue que nous appuyons. Cependant, aucune recommandation ne mentionne l’importance de travailler avec le réseau québécois des centres de pédiatrie sociale en communauté qui, pourtant, comprend 45 centres dans autant de communautés appauvries du Québec, y compris deux communautés autochtones. Ce réseau de première ligne se déploie d’année en année au rythme de 5 à 7 centres certifiés avec l’appui de la Fondation Dr Julien, du gouvernement, et des communautés. Les praticiens rejoignent plusieurs milliers d’enfants parmi les plus vulnérables, directement dans leurs milieux de vie. Ils les soignent, les outillent, et les amènent à participer réellement aux décisions qui les concernent, avec la collaboration de leurs parents, de leurs familles élargies, des partenaires communautaires et institutionnels, dans le respect de l’ensemble de leurs droits énoncés dans la Convention relative aux droits de l’enfant.

Il me semble que de nombreuses solutions basées sur des données probantes et recherchées par les commissaires pour mettre en action leurs recommandations ont déjà été testées et évaluées en pédiatrie sociale en communauté. En effet, les praticiens mettent en place des interventions innovantes pour une société bienveillante. Ce modèle de médecine sociale intègre la pratique du droit et permet d’évaluer l’enfant dans sa globalité, et de co-construire un plan d’action qui assure le respect de l’ensemble de ses droits. On y forme d’ailleurs des avocats qui travaillent à la « frontière de la médecine et du droit ».

On y a aussi testé et évalué un grand projet de médiation sur une période de 3 ans avec la collaboration des Centres jeunesse et d’autres partenaires. Le cercle de l’enfant est une grande médiation qui prend la forme d’une conférence familiale de groupe. Pourquoi penser lancer un autre projet sur 18 mois ? Encore là, on doit l’intégrer dans la loi, comme l’a fait la Nouvelle-Zélande.

Les praticiens outillent l’enfant et son réseau familial pour qu’ils participent réellement aux décisions qui les concernent. Des comités des droits des enfants ont été créés afin que les enfants apprennent à défendre eux-mêmes leurs droits. De plus, on travaille aujourd’hui avec les enfants, à définir une trajectoire de collaboration entre les centres de pédiatrie sociale en communauté et les Centres jeunesse.

Dans une société bienveillante, les citoyens, petits et grands, sont outillés pour mieux aider leur voisin. Dans cette optique, on a créé et mis en place, avec de nombreux partenaires, le projet Familles-Enfants-Réseaux.  Il est introduit dans des écoles, des groupes communautaires et des centres de pédiatrie sociale en communauté à travers le Québec.

Un dernier point. Les commissaires rêvent de « garantir » à l’enfant une famille pour la vie ! Tout comme le projet de vie stable qui existe déjà dans la loi d’exception qu’est la Loi sur la protection de la jeunesse, je n’arrive pas à comprendre comment on peut encore croire que la vie est « stable » ! Je suis d’avis qu’on doit se mettre à table pour étudier des solutions plus porteuses de bon sens.

Tout cela pour vous dire que plusieurs pistes de solutions existent déjà sur le terrain. Pourquoi ne pas en faire profiter les enfants et les familles qui en ont besoin !

Hélène (Sioui) Trudel
Avocate médiatrice, directrice fondatrice du droit intégré,
cofondatrice, Fondation Dr Julien

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